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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/457

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fantaisie d’écrire un roman, et, bien que je ne fusse pas du tout dévote alors, ce fut un roman chrétien et dévot.

Ce prétendu roman était plutôt une nouvelle, car il n’avait qu’une centaine de pages. Le héros et l’héroïne se rencontraient, un soir, dans la campagne, aux pieds d’une madone où ils faisaient leurs prières. Ils s’admiraient et s’édifiaient l’un l’autre : mais, quoiqu’il fût de règle qu’ils devinssent amoureux l’un de l’autre, ils ne le devinrent pas. J’avais résolu, par les conseils de Sophie, de les amener à s’aimer ; mais quand j’en fus là, quand je les eus décrits beaux et parfaits tous les deux, dans un site enchanteur, au coucher du soleil, à l’entrée d’une chapelle gothique ombragée de grands chênes, jamais je ne pus dépeindre les premières émotions de l’amour. Cela n’était point en moi, il ne me vint pas un mot. J’y renonçai. Je les fis ardemment pieux, quoique la piété ne fût pas plus en moi que l’amour ; mais je la comprenais, parce que j’en avais le spectacle sous les yeux, et peut-être d’ailleurs le germe de cet amour-là commençait-il à éclore en moi à mon insu. Tant il y a que mes deux jeunes gens, après plusieurs chapitres de voyages et d’aventures que je ne me rappelle pas du tout, se consacrèrent à Dieu chacun de son côté : la demoiselle prit le voile, et le héros se fit prêtre.

Sophie et Anna trouvèrent mon roman bien