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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/463

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ût accepté pour elle-même un avenir dont je ne faisais plus partie essentielle. Je me sentais navrée de cette sorte d’abandon, après la passion dont elle m’avait fait vivre dans mon enfance. Elle ne m’emmenait plus chez elle. Je vis ma sœur une ou deux fois en deux ou trois ans. Mes jours de sortie étaient remplis de visites que ma grand’mère me faisait faire avec elle à ses vieilles comtesses. Elle voulait apparemment les intéresser à ma jeunesse, me créer des relations, des appuis, parmi celles qui lui survivraient. Ces dames continuaient à m’être antipathiques, la seule Mme de Pardaillan exceptée. Le soir, nous dînions ou chez les cousins Villeneuve ou chez l’oncle Beaumont. Il fallait rentrer à l’heure où je commençais à me mettre à l’aise avec ma famille. Mes jours de sortie étaient donc lugubres. Le matin, joyeuse et empressée, j’arrivais chez nous le cœur plein d’élan et d’impatience. Au bout de trois heures, je devenais triste. Je l’étais davantage en faisant mes adieux ; au couvent seulement je retrouvais du calme et de la gaîté.

L’événement intérieur qui me donna le plus de contentement fut d’obtenir enfin une cellule. Toutes les demoiselles de la grande classe en avaient ; moi seule je restai longtemps au dortoir, parce qu’on craignait mon tapage nocturne. On souffrait mortellement, dans ce dortoir placé sous les toits, du froid en hiver, de la chaleur en été. On y dormait mal, parce qu’il y avait toujours