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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/565

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une pièce de Corneille ou de Racine. On ne nous disait pas que le duc de Berry avait été un peu brutal et débauché, on nous le peignait comme un héros, comme un second Henri IV, sa femme comme une sainte et le reste à l’avenant.

Moi seule peut-être je luttais contre l’entraînement général. J’étais restée bonapartiste et je ne m’en cachais pas, sans cependant me prendre de dispute avec personne à ce sujet.

Dans ce temps-là, quiconque était bonapartiste était traité de libéral. Je ne savais ce que c’était que le libéralisme : on me disait que c’était la même chose que le jacobinisme, que je connaissais encore moins. Je fus donc émue quand on me répéta sur tous les tons : « Qu’est-ce qu’un parti qui prêche, commet et préconise l’assassinat ? — S’il en est ainsi, répondis-je, je suis tout ce qu’il vous plaira, excepté libérale, » et je me laissai attacher au cou je ne sais plus quelle petite médaille frappée en l’honneur du duc de Berry, qui était devenue comme un ordre pour tout le couvent.

Huit jours de tristesse, c’est bien long pour un couvent de jeunes filles. Un soir, je ne sais qui fit une grimace, une autre sourit, une troisième dit un bon mot, et voilà le rire qui fait le tour de la classe, d’autant plus violent et nerveux, qu’il succédait aux pleurs.

Peu à peu on nous laissa reprendre nos amusemens. Ma grand’mère était à Paris. Comme