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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/578

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sur la harpe ou sur la guitare des airs espagnols dont quelques-uns m’avaient bercée à Madrid, et que je retrouvais comme un rêve du passé endormi dans ma mémoire.

Rose était mariée et devait nous quitter pour aller vivre à la Châtre aussitôt que nous serions de retour à Nohant. Impatiente de retrouver son mari, qu’elle avait épousé la veille du voyage à Paris, elle ne cachait guère sa joie et me disait avec sa passion rouge qui me faisait frémir de peur : « Soyez tranquille, votre tour viendra bientôt ! »

J’allai embrasser une dernière fois toutes mes chères amies du couvent. J’étais véritablement désespérée.

Nous arrivâmes à Nohant aux premiers jours du printemps de 1820, dans la grosse calèche bleue de ma grand’mère, et je retrouvai ma petite chambre livrée aux ouvriers qui en renouvelaient les papiers et les peintures ; car ma bonne maman commençait à trouver ma tenture de toile d’orange à grands ramages trop surannée pour mes jeunes yeux, et voulait les réjouir par une fraîche couleur lilas. Cependant mon lit à colonnes, en forme de corbillard, fut épargné, et les quatre plumets rongés des vers échappèrent encore au vandalisme du goût moderne.

On m’installa provisoirement dans le grand appartement de ma mère. Là, rien n’était changé, et je dormis délicieusement dans cet