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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/577

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attendre ! »

Comme j’ouvrais la bouche pour la distraire de cette pensée : « Laisse, laisse ! reprit-elle. Je sais ce que tu veux me dire. J’ai tort d’attrister tes seize ans de mes idées noires. N’y pensons pas. Va t’habiller. Je veux te mener ce soir aux Italiens ! »

J’avais bien besoin de me distraire, et par cela même que j’étais mortellement triste, je ne m’en sentais ni l’envie ni la force. Je crois que c’est ce soir-là que j’entendis pour la première fois Mme Catalani dans Il fanatico per la musica. Je crois aussi que c’était Galli qui faisait le rôle du dilettante burlesque, mais je vis et entendis bien mal, préoccupée comme je l’étais. Il me sembla que la cantatrice abusait de la richesse de ses moyens, et que sa fantaisie de chanter des variations écrites pour le violon était antimusicale. Je sortais des chœurs et des motets de notre chapelle, et, dans le nombre de nos morceaux à effet, ceux qu’on chantait pendant le salut du saint sacrement, il se trouvait bien des antiennes vocalisées dans le goût rococo de la musique sacrée du dernier siècle ; mais nous n’étions pas trop dupes de ces abus, et, en somme, on nous mettait sur la voie des bonnes choses. La musique bouffe des Italiens, si artistement brodée par la cantatrice à la mode, ne me causa donc que de l’étonnement. J’avais plus de plaisir à écouter le chevalier de Lacoux, vieil émigré, ami de ma grand’mère, me jouer