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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/585

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exempte d’infirmités. Longtemps elle dissimula une surdité croissante, et jusqu’à ses derniers momens fit un mystère de son âge : affaire d’étiquette apparemment, car elle n’avait jamais été vaine, même dans tout l’éclat de la jeunesse et de la beauté. Cependant elle s’en allait, comme elle le disait souvent tout bas à Deschartres, qui, l’ayant toujours connue délicate et affaissée, n’y croyait pas et se flattait de mourir avant elle. Elle craignait le moindre bruit, l’éclat du jour lui était insupportable, et quand elle avait fait l’effort de tenir le salon une ou deux heures, elle éprouvait le besoin d’aller s’enfermer dans son boudoir, nous priant d’aller nous occuper ou nous promener un peu loin de son sommeil, qui était fort léger.

Je fus donc bien étonnée et presque effrayée un jour qu’elle me dit que j’étais inséparable de Mme de Pontcarré et de sa fille, que je la négligeais, que je me jetais tête baissée dans des amitiés nouvelles, que j’avais trop d’imagination, que je ne l’aimais pas, et tout cela avec une douleur et des larmes inexplicables.

Je sentais ces reproches si peu mérités qu’ils me consternèrent. Je ne trouvais rien à y répondre à force d’en voir l’injustice ; mais cette injustice dans un cœur si bon et si droit ressemblait à un accès de démence triste et douce. Je ne sus que pleurer avec ma pauvre bonne maman, la caresser et la consoler de mon mieux. Comme elle me