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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/587

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ne pardonnait pas à Pauline d’être plus belle que moi, et en même temps qu’elle supposait sa mère portée à me dénigrer, elle était jalouse aussi de l’affection que cette mère me témoignait.

Comme la jalousie est grosse d’inconséquences, il me fallut donc voir ces petites scènes se renouveler, et je crois qu’elles furent envenimées par Mlle Julie, qui, décidément, ne m’aimait point. Je ne lui avais fait ni mal ni dommage : tout au contraire, facile au retour comme je le suis, j’appréciais l’intelligence de cette froide personne, et j’aimais à consulter sa merveilleuse mémoire des faits historiques ; mais ma mère l’avait trop blessée pour qu’elle pût me pardonner d’être sa fille et de l’aimer.

Ce fut donc en essuyant de secrètes larmes, et entre plusieurs nuées de ces orages étouffés par le savoir-vivre, que je me travestis en Colin pour jouer la comédie et faire rire ma grand’mère. Le théâtre, tout en feuillages naturels, formait un berceau charmant. M. de Trémoville, un officier ami de Mme de Pontcarré, lequel, se trouvant en remonte de cavalerie dans le département, était venu passer chez nous une quinzaine, avait tout disposé avec beaucoup d’adresse et de goût. Il jouait lui-même le rôle de mon capitaine, car je m’engageais par désespoir des caprices de mon amoureuse Colette. Je ne sais plus quel proverbe de Carmontelle nous avions ainsi arrangé à notre usage. Pauline, en