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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/59

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bonne, facile à vivre, impatientante seulement par son caquet, son bruit, son mouvement, ses éclats de rire retentissans, ses bons mots un peu répétés et le peu de suite de ses propos comme de ses idées. Elle était d’une ignorance fabuleuse malgré le brillant de son caquet. C’était elle qui disait une épître à l’âme au lieu d’un épithalame, et Mistoufiè pour Méphistophélès. Mais on pouvait se moquer d’elle sans la fâcher. Elle riait aux éclats de ses bévues, et c’était d’aussi bon cœur que quand elle riait de celles des autres.

Les petits jardins, les grottes, les bancs de gazon, les cascades allaient leur train pendant toute la belle saison. Le parterre du vieux poirier, qui marquait à notre insu la sépulture de mon petit frère, reçut de notables améliorations. Un tonneau plein d’eau fut placé à côté, afin que nous puissions nous livrer aux travaux de l’arrosage. Un jour, je tombai la tête la première dans ce tonneau et je m’y serais noyée si Ursule ne fût venue à mon secours.

Nous avions chacune notre petit jardin dans ce jardin de ma mère, qui était lui-même si petit qu’il aurait bien dû nous suffire ; mais un certain esprit de propriété est tellement inné dans l’être humain, qu’il faut à l’enfant quatre pieds carrés de terre pour qu’il aime réellement cette terre cultivée par lui, et dont l’étendue est proportionnée à ses forces. Cela m’a toujours fait penser que, quelque communiste qu’on pût être,