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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/591

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fiance et de présence d’esprit nécessaire à la suite de mon éducation équestre.

Colette était un être supérieur dans son espèce. Elle était maigre, laide, grande, dégingandée au repos : mais elle avait une physionomie sauvage et des yeux d’une beauté qui rachetait ses défauts de conformation. En mouvement, elle devenait belle d’ardeur, de grâce et de souplesse. J’ai monté des chevaux magnifiques, admirablement dressés : je n’ai jamais retrouvé l’intelligence et l’adresse de ma cavale rustique. Jamais elle ne m’a fait un faux pas, jamais un écart, et ne m’a jamais jetée par terre que par la faute de ma distraction ou de mon imprudence.

Comme elle devinait tout ce qu’on désirait d’elle, il ne me fallut pas huit jours pour savoir la gouverner. Son instinct et le mien s’étaient rencontrés. Taquine et emportée avec les autres, elle se pliait à ma domination de son plein gré, à coup sûr. Au bout de huit jours, nous sautions haies et fossés, nous gravissions les pentes ardues, nous traversions les eaux profondes ; et moi, l’eau dormante du couvent, j’étais devenue quelque chose de plus téméraire qu’un hussard et de plus robuste qu’un paysan ; car les enfans ne savent pas ce que c’est que le danger, et les femmes se soutiennent, par la volonté nerveuse, au delà des forces viriles.

Ma grand’mère ne parut pas surprise d’une métamorphose qui m’étonnait pourtant moi-