Aller au contenu

Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/598

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Enfin, il te connaît apparemment, et il te demande en mariage avec ou sans dot : mais conçoit-on que ces hommes de Bonaparte aient des préjugés comme nous autres ? Il mettait pour première condition que tu ne reverrais jamais ta mère.

— Et vous avez refusé, n’est-ce pas, maman ?

— Oui, me dit-elle ; en voici la preuve. »

Elle me remit une lettre que j’ai encore sous les yeux, car je l’ai gardée comme un souvenir de cette triste soirée. Elle était de mon cousin René de Villeneuve, et ainsi conçue :

« Je ne me console pas, chère grand’mère, de n’être pas auprès de vous pour insister sur la proposition faite pour Aurore. L’âge vous offusque ; mais réellement la personne de cinquante ans a l’air presque aussi jeune que moi. Elle a beaucoup d’esprit, d’instruction, tout ce qu’il faut enfin pour assurer le bonheur d’un lien pareil, car on trouvera bien des jeunes gens, mais on ne peut être sûr de leur caractère, et l’avenir avec eux est fort incertain ; au lieu que là, la position élevée, la fortune, la considération, tout se trouve. Je vous citerai plusieurs exemples à l’appui du raisonnement que je pourrais vous faire. Le duc de C……, qui a soixante-cinq ans, a épousé, il y a deux ans, Mlle de la G……, qui en avait seize. Elle est la plus heureuse des femmes, se conduisant à merveille, bien que lancée dans le grand monde et entourée