Aller au contenu

Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/647

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jetais le livre au beau milieu de la chambre, ou au nez de Deschartres, en lui disant que cela était bon pour lui, et il me le renvoyait de même, disant qu’il ne voulait pas accepter un pareil brouillon, un si dangereux révolutionnaire.

Leibnitz me paraissait le plus grand de tous : mais qu’il était dur à avaler quand il s’élevait de trente atmosphères au-dessus de moi ! Je me disais avec Fontenelle, en changeant le point de départ de sa phrase sceptique : « Si j’avais bien pu le comprendre, j’aurais vu le bout des matières, ou qu’elles n’ont point de bout ! »

« Et que m’importe, après tout, disais-je, les monades, les unités, l’harmonie préétablie et sacrosancta Trinitas per nova inventa logica defensa, les esprits qui peuvent dire MOI, le carré des vitesses, la dynamique, le rapport des sinus d’incidence et de réfraction, et tant d’autres subtilités où il faut être à la fois grand théologien et grand savant, même pour s’y méprendre ! »[1].

Je me mettais à rire aux éclats toute seule de ma prétention à vouloir profiter de ce que je n’entendais pas. Mais cette entraînante préface de la Théodicée, qui résumait si bien les idées de Chateaubriand et les sentimens de l’abbé de Prémord sur l’utilité et même la nécessité du savoir, venait me relancer.

« La véritable piété, et même la véritable

  1. Fontenelle, Éloge de Leibnitz.