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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/649

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’adoration ! Ce qu’elle a conçu et pris soin d’expliquer, n’aurais-je pas la conscience de vouloir le comprendre ? Mais il me manque des élémens de science, et Deschartres me persécute pour que je laisse là ces grands résumés pour entrer dans l’étude des détails. Il veut m’enseigner la physique, la géométrie, les mathématiques ! Pourquoi pas, si cela est nécessaire à la foi en Dieu et à l’amour du prochain ? Leibnitz met bien le doigt sur la plaie quand il dit qu’on peut être fervent par habitude. Je suis capable d’aller au sacrifice par la paresse de l’âme ; mais ce sacrifice, Dieu ne le rejettera-t-il pas ?

J’allais prendre une ou deux leçons. « Continuez, me disait Deschartres. Vous comprenez ! — Vous croyez ? lui répondais-je. — Certainement, et tout est là. — Mais retenir ? — Ça viendra. »

Et quand nous avions travaillé quelques heures : « Grand homme lui disais-je (je l’appelais toujours ainsi), vous me croirez si vous voulez, mais cela me tue. C’est trop long, le but est trop loin. Vous avez beau me mâcher la besogne, croyez bien que je n’ai pas la tête faite comme vous. Je suis pressée d’aimer Dieu, et s’il faut que je pioche ainsi toute la vie pour arriver à me dire, sur mes vieux jours, pourquoi et comment je dois l’aimer, je me consumerai en attendant, et j’aurai peut-être dévoré mon cœur aux dépens de ma cervelle.