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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/691

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avec le présent, que je ne sais plus à quelle époque j’en suis de ma vie. »

Ma manière d’être ressortait si naturellement de la position exceptionnelle où je me trouvais, qu’il me paraissait tout simple de ne pas vivre comme la plupart des autres jeunes filles. On me jugea très bizarre, et pourtant je l’étais infiniment moins que j’aurais pu l’être, si j’y eusse porté le goût de l’affectation et de la singularité. Abandonnée à moi-même en toutes choses, ne trouvant plus de contrôle chez ma grand’mère, oubliée en quelque sorte de ma mère, poussée à l’indépendance absolue par Deschartres, ne sentant en moi aucun trouble de l’âme ou des sens, et pensant toujours, malgré la modification qui s’était faite dans mes idées religieuses, à me retirer dans un couvent, avec ou sans vœux monastiques, ce qu’on appelait autour de moi l’opinion n’avait pour moi aucun sens, aucune valeur, et ne me paraissait d’aucun usage.

Deschartres n’avait jamais vu le monde à un point de vue pratique. Dans son amour pour la domination, il n’acceptait aucune entrave à ses jugemens, rapportant tout à sa sagesse, à son omnicompétence, infaillible à ses propres yeux,

Et comme du fumier regardant tout le monde,

excepté ma grand’mère, lui et moi ; il ne riait pourtant pas comme moi de la critique. Elle le mettait en colère. Il s’indignait jusqu’à l’in