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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/690

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huit ou dix cailles vivantes à ma grand’mère, qui les admirait et les plaignait beaucoup, mais qui, ne se nourrissant que de menu gibier, m’empêchait de trop regretter le destin de ces pauvres créatures si jolies et si douces.

Deschartres, très affectueux pour moi et très occupé de ma santé, ne songeait plus à rien quand il entendait glousser la caille auprès de son filet. Je me laissais aussi emporter un peu à cet amusement sauvage de guetter et de saisir une proie. Aussi mon rôle d’appeleur consistant à être couchée dans les blés inondés de la rosée du matin, me ramena les douleurs aiguës dans tous les membres que j’avais ressenties au couvent. Deschartres vit qu’un jour je ne pouvais monter sur mon cheval et qu’il fallait m’y porter. Les premiers mouvemens de ma monture m’arrachaient des cris, et ce n’était qu’après de vigoureux temps de galop aux premières ardeurs du soleil que je me sentais guérie. Il s’étonna un peu et constata enfin que j’étais couverte de rhumatismes. Ce lui fut une raison de plus pour me prescrire les exercices violens et l’habit masculin qui me permettait de m’y livrer.

Ma grand’mère me vit ainsi et pleura. « Tu ressembles trop à ton père, me dit-elle. Habille-toi comme cela pour courir, mais rhabille-toi en femme en rentrant, pour que je ne m’y trompe pas, car cela me fait un mal affreux, et il y a des momens où j’embrouille si bien le passé