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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/748

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calme apparent, trop d’empire sur ma secrète indignation.

Cet effort de raison, ce sacrifice de ma propre colère intérieure au sentiment du devoir, était précisément ce que je pouvais imaginer de pire avec une nature comme celle de ma mère. Il eût fallu faire comme elle, crier, tempêter, casser quelque chose, l’effrayer enfin, lui faire croire que j’étais aussi violente qu’elle et qu’elle n’aurait pas bon marché de moi.

« Tu t’y prends tout de travers, me dit ma tante quand nous fûmes seules ensemble. Tu es trop tranquille et trop fière ; ce n’est pas comme cela qu’il faut se conduire avec ma sœur. Je la connais bien, moi ! Elle est mon aînée, et elle m’aurait rendue bien malheureuse dans mon enfance et dans ma jeunesse si j’avais fait comme toi ; mais quand je la voyais de mauvaise humeur et couvant une grosse querelle, je la taquinais et me moquais d’elle jusqu’à ce que je l’eusse fait éclater. Ça allait plus vite. Alors quand je la sentais bien montée, je me fâchais aussi, et tout à coup je lui disais : « En voilà assez ; veux-tu m’embrasser et faire la paix ? Dépêche-toi, car sans cela, je te quitte. » Elle revenait aussitôt, et la crainte de me voir recommencer, l’empêchait de recommencer trop souvent elle-même. »

Je ne pus profiter de ce conseil. Je n’étais pas la sœur, l’égale par conséquent, de cette femme ardente et infortunée. J’étais