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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/755

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Ce n’était pas suffisant pour les habitudes de ma grand’mère ; sa maladie d’ailleurs avait occasionné d’assez grands frais. La gêne était réelle dans la maison, et, n’ayant pas de quoi renouveler ma garderobe, j’arrivais à Paris avec un bagage qui eût tenu dans un mouchoir de poche, et une robe pour toute toilette.

Deschartres ne pouvant fournir ces malheureuses quittances, auxquelles nous n’avions pas songé, arrivait donc de son côté pour donner ou essayer de donner des explications, ou d’obtenir des délais. Il se présenta fort troublé. J’aurais voulu être un moment seule avec lui pour le rassurer ; ma mère nous garda à vue, et l’interrogatoire commença autour d’une table chargée de registres et de paperasses.

Ma mère, fortement prévenue contre mon pauvre pédagogue et avide de lui rendre tout ce qu’il lui avait fait souffrir autrefois, goûtait, à voir son embarras, une joie terrible. Elle tenait surtout à le faire passer pour un malhonnête homme vis-à-vis de moi, à qui elle faisait un principal grief de ne pas partager son aversion.

Je vis qu’il n’y avait pas à hésiter. Ma mère avait laissé échapper le mot de prison pour dettes ; j’espère qu’elle n’eût pas exécuté une si dure menace ; mais l’orgueilleux Deschartres, attaqué dans son honneur, était capable de se brûler la cervelle. Sa figure pâle et contractée était celle d’un homme qui a pris cette résolution.