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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/760

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perdit patience, lui répondit que jamais sa femme ne mettrait les pieds chez elle, et partit pour ne plus revenir. Je ne l’ai revu que plus de vingt ans après.

De même que mon bon cousin m’a pardonné et me pardonne encore de ne pas partager toutes ses idées, je lui pardonne de m’avoir abandonnée ainsi à mon triste sort. Pouvait-il ne pas le faire ? Je ne sais. Il eût fallu de sa part une patience que je n’aurais certes pas eue pour mon compte, si je n’eusse eu affaire à ma propre mère. Et puis, quand même il eût dévoré en silence cette première algarade, n’eût-elle pas recommencé le lendemain ?

Cependant il m’a fallu des années, je le confesse, pour oublier la manière dont il me quitta, sans même me dire un mot d’adieu et de consolation, sans jeter les yeux sur moi, sans me laisser une espérance, sans m’écrire le lendemain pour me dire que je trouverais toujours un appui en lui quand il me serait possible de l’invoquer. Je m’imaginai qu’il était las des ennuis que lui suscitait son impuissante tutelle, et qu’il était content de trouver une vive occasion de s’en débarrasser. Je me demandai si Mme de Villeneuve, qui avait déjà l’âge d’une matrone, n’aurait pas pu, par un léger simulacre de politesse, dont ma mère eût été flattée, la décider à me laisser continuer mes visites chez elle, si tout au moins, on n’eût pas pu tenter un peu plus,