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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/774

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là le pire. Si j’avais pu arriver à la froideur et à l’indifférence, je serais peut-être arrivée au stoïcisme ; mais cela m’était impossible. Qu’elle versât une larme, qu’elle eût pour moi une inquiétude, un soin maternel, je recommençais à l’aimer et à espérer. C’était la route du désespoir : tout était brisé et remis en question le lendemain.

Elle était malade. Elle traversait une crise qui fut exceptionnellement longue et douloureuse chez elle, sans jamais abattre son activité, son courage et son irritation. Cette énergique organisation ne pouvait franchir, sans un combat terrible, le seuil de la vieillesse. Encore jolie et rieuse, elle n’avait pourtant aucune jalousie de femme contre la jeunesse et la beauté des autres. C’était une nature chaste, quoi qu’on en ait dit et pensé, et ses mœurs étaient irréprochables. Elle avait le besoin des émotions violentes, et, quoique sa vie en eût été abreuvée, ce n’était jamais assez pour cette sorte de haine étrange et bien certainement fatale qu’elle avait pour le repos de l’esprit et du corps. Il lui fallait toujours renouveler son atmosphère agitée par des agitations nouvelles, changer de logement, se brouiller ou se raccommoder avec quelqu’un ou quelque chose, aller passer quelques heures à la campagne, et se dépêcher de revenir tout d’un coup pour fuir la campagne ; dîner dans un restaurant, et puis dans un autre ; bouleverser même sa toilette de fond en comble chaque semaine.