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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/781

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— La charité ? oui, tant qu’on voudra pour les pauvres malheureux qu’on oublie ou qu’on méprise parce qu’ils sont faibles ! Pour les pauvres filles perdues qui meurent dans la crotte pour n’avoir jamais pu être aimées. De la charité pour ceux qui souffrent sans l’avoir mérité ? Je leur donnerais jusqu’à ma chemise, tu le sais bien ! Mais de la charité pour les comtesses, pour madame une telle qui a déshonoré cent fois un mari aussi bon que le mien, par galanterie ; pour monsieur un tel qui n’a blâmé l’amour de ton père que le jour où j’ai refusé d’être sa maîtresse……. Tous ces gens-là, vois-tu, sont des infâmes ; ils font le mal, ils aiment le mal, et ils ont de la religion et de la vertu plein la bouche.

— Vous voyez pourtant qu’il y a, outre la loi divine, une loi fatale qui nous prescrit le pardon des injures et l’oubli des souffrances personnelles, car cette loi nous frappe et nous punit quand nous l’avons trop méconnue.

— Comment ça ! explique-toi clairement.

— À force de nous tendre l’esprit et de nous armer le cœur contre les gens mauvais et coupables, nous prenons l’habitude de méconnaître les innocens et d’accabler de nos soupçons et de nos rigueurs ceux qui nous respectent et nous chérissent.

— Ah ! tu dis cela pour toi ! s’écria-t-elle.

— Oui, je le dis pour moi, mais je pourrais le dire aussi pour ma sœur, pour la vôtre, pour