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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/780

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et n’avoir plus rien à aimer après ton père, pas même toi ! »

— Quant à mon mépris, lui répondis-je en la prenant toute tremblante et toute crispée entre mes bras, vous vous trompez bien. Ce que je méprise, c’est le mépris du monde. Je suis aujourd’hui pour vous contre lui, bien plus que je ne l’étais à cet âge que vous me reprochez toujours d’avoir oublié. Vous n’aviez que mon cœur, et à présent ma raison et ma conscience sont avec vous. C’est le résultat de ma belle éducation que vous raillez trop, de la religion, et de la philosophie que vous détestez tant. Pour moi, votre passé est sacré, non pas seulement parce que vous êtes ma mère, mais parce qu’il m’est prouvé par le raisonnement que vous n’avez jamais été coupable.

— Ah ! vraiment ! mon Dieu ! s’écria ma mère, qui m’écoutait avec avidité. Alors, qu’est-ce que tu condamnes donc en moi ?

— Votre aversion et vos rancunes contre ce monde, ce genre humain tout entier sur qui vous êtes entraînée à vous venger de vos souffrances. L’amour vous avait faite heureuse et grande, la haine vous a faite injuste et malheureuse.

— C’est vrai, c’est vrai ! dit-elle. C’est trop vrai ! Mais comment faire ? Il faut aimer ou haïr. Je ne peux pas être indifférente et pardonner par lassitude.

— Pardonnez au moins par charité.