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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/794

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Et puis, j’y compris aussi, non pas l’exaltation de l’amour, mais les parfaites douceurs de l’union conjugale et de l’amitié vraie, en voyant le bonheur d’Angèle ; cette confiance suprême, ce dévoûment tranquille, et absolu, cette sécurité d’âme qui régnaient entre elle et son mari au lendemain déjà de la première jeunesse. Pour quiconque n’eût pu obtenir du ciel que la promesse de dix années d’un tel bonheur, ces dix années valaient toute une vie.

J’avais toujours adoré les enfans, toujours recherché, à Nohant et au couvent, la société fréquente d’enfans plus jeunes que moi. J’avais tant aimé et tant soigné mes poupées, que j’avais l’instinct prononcé de la maternité. Les quatre filles de ma mère Angèle lui donnaient bien du tourment, mais c’était le cher tourment dont se plaignait Mme Alicia avec moi, et c’était encore bien mieux : c’étaient les enfans de ses entrailles, l’orgueil de son hyménée, la préoccupation de tous ses instans, le rêve de son avenir.

James n’avait qu’un regret, c’était de n’avoir pas au moins un fils. Pour s’en donner l’illusion, il voulait voir le plus longtemps possible ses filles habillées en garçon. Elles portaient des pantalons et des jaquettes rouges, garnis de boutons d’argent, et avaient la mine de petits soldats mutins et courageux. À elles se joignaient souvent les trois filles de sa sœur Mme Gondoin Saint-Aignan, dont l’aînée m’a été bien chère ;