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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/795

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et puis Loïsa Puget, dont le père était associé à mon père James dans l’exploitation d’une usine, enfin quelques garçons de la famille ou de l’intimité, Norbert Saint-Martin, fils du plus jeune des Roettiers, Eugène Sandré et les neveux d’un vieux ami. Quand tout ce petit monde était réuni, j’étais l’aînée de la bande et je menais les jeux, où je prenais, assez longtemps encore après mon mariage, autant de plaisir pour mon compte que le dernier de la nichée.

Je redevenais donc jeune, je retrouvais mon âge véritable au Plessis. J’aurais pu lire, veiller, réfléchir ; j’avais des livres à discrétion et la plus entière liberté. Il ne me vint pas à l’esprit d’en profiter. Après les cavalcades et les jeux de la journée, je tombais de sommeil aussitôt que j’avais mis le pied dans ma chambre, et je me réveillais pour recommencer. Les seules réflexions qui me vinssent, c’était la crainte d’avoir à réfléchir. J’en avais trop pris à la fois ; j’avais besoin d’oublier le monde des idées, et de m’abandonner à la vie de sentiment paisible et d’activité juvénile.

Il paraît que ma mère m’avait annoncée là comme une pédante, un esprit fort, une originale. Cela avait un peu effrayé ma mère Angèle, qui en avait eu d’autant plus de mérite à s’intéresser quand même à mon malheur ; mais elle attendit vainement que je fisse paraître mon bel esprit et ma vanité. Deschartres était le seul être avec qui je me fusse permis d’être pédante ; puisqu’il était