Page:Sand - Journal intime.pdf/104

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— Par conséquent, c’est celle d’une personne fatiguée.

— Voilà tout ?

— N’est-ce pas beaucoup ?

— Mais fatiguée de quoi ?

— Ne peut-on pas être fatigué de beaucoup de choses ? fatigué de se lever tous les matins et de coucher tous les soirs ? d’avoir chaud tout l’été et froid l’hiver ? de recevoir toujours des questions et jamais aucune qui vaille la peine qu’on y réponde ?…


Solange. — Tiens, vois donc, ma mignonne, qu’est-ce que c’est, ce livre-là ? Je l’ai trouvé dans les épluchures au grenier.

— Ah mon Dieu ! mes pensées d’il y a deux ans aux épluchures ?

SOLANGE. — Ah ben, mignonne, donne-moi-le pour faire des bonshommes.

— Des bonshommes, malheureuse enfant ? des bonshommes sur mes pensées de l’année 1837 ?

SOLANGE. Ah ! c’est donc fait comme ça des pensées ?

QUELQU’UN (d’un air judicieux) :

Ni plus ni moins !

SOLANGE. — Ah ben, mignonne, donne-moi-le, pour écrire mes pensées. J’ai des pensées moi, je veux les écrire.