Page:Sand - Journal intime.pdf/109

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disent qu’il est plus effrayé que flatté de l’effet qu’il a produit sur eux. Il leur avoue aussi qu’il s’est passé en lui quelque chose de mystérieux, d’imprévu : que de fait, calme qu’il était en commençant à parler, il s’est senti tout à coup élevé par l’enthousiasme au-dessus de lui-même et l’un d’eux, qui l’a vu le lendemain, l’a trouvé dans une sorte d’abattement comme il arrive après une forte crise.

En écoutant ceci et en recueillant de tous côtés les mêmes témoignages, il me semblait entendre le récit d’une scène des temps passés, car il n’arrive plus rien de semblable aujourd’hui et, quoi qu’en disent Liszt et madame d’Agoult, il n’y a plus que le dilettantisme des arts qui manifeste de pareils transports. Je ne crois pas aux improvisations de nos charlatans philosophes et littéraires. Poètes et professeurs sont tous des comédiens. En les applaudissant, le public n’est pas leur dupe, et, quant à nos orateurs politiques, ils ont si peu d’élévation et de poésie dans l’âme, que leurs discours ne sont jamais que des déclamations plus ou moins bien débitées.

Ce qui s’est passé pour Mickiewicz rentre dans la série de ces faits qu’on appelait autrefois miracles, et qu’on pourrait appeler aujourd’hui extases. Leroux donne, de toute cette partie merveilleuse de l’histoire philosophique et religieuse du genre humain, la meilleure et peut-être la