Page:Sand - Journal intime.pdf/246

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intérieur pour le mal des autres. Si les autres n’existaient pas, je serais parfaitement heureuse — heureuse comme une pierre qui aurait des yeux — mais ils existent et me font exister. Je me réjouis et m’afflige en eux et pour eux.

Moi je n’ai plus besoin de rien pour moi. Dois-je vivre longtemps ? Cette étonnante vieillesse qui s’est faite pour moi sans infirmité et sans lassitude est-elle le signe d’une longue vie ? Tomberai-je tout d’un coup ? Qu’importerait de savoir cela, puisqu’on peut à toute heure être emporté par un accident ? Serai-je encore utile ? Voilà ce qu’on peut se demander. Il me semble que oui. Je sens que Je peux l’être plus personnellement, plus directement que jamais. J’ai acquis sans savoir comment, beaucoup de sagesse. Je pourrais élever des enfants bien mieux qu’autrefois.

Je suis toujours croyante, tout â fait croyante en Dieu. I ai vie éternelle. — Le mal un jour vaincu par la science. La science éclairée par l’amour. Mais les symboles, les figures, les cultes, les Dieux humains ? Bonjour ! J’ai dépassé tout cela.

Je suis entrée dans l’Univers, et voilà. Je ne suis pas intéressante du tout, puisque je peux supporter le mal de ma vie et en savourer le bien Que ceux que j’aime durent plus que moi ! Je ne suis pas de force à me figurer ce que je deviendrais sans nui famille de Nohant ! Je ne désire pas vivre beaucoup. Ce serait une mort douce que de laisser