Page:Sand - Journal intime.pdf/45

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forêts en criant votre nom, et, quand j’aurai rêvé le plaisir, je tomberai évanouie sur la terre humide !

Pourquoi cette idée fixée dans le cerveau ? Pourquoi après toutes les révoltes de la raison, tous les conseils de la vérité, toutes les agitations de l’égoïsme souffrant, pourquoi, après tous les discours humains, ce profil divin vient-il se dessiner entre mon œil et la muraille ?

Pourquoi ceux qui me parlent s’enveloppent-ils d’un nuage tout à coup, et pourquoi vois-je sur leurs épaules une tête qui n’est pas la leur ? Pourquoi suis-je obligée d’étouffer dans ma poitrine des sanglots, des cris de joie ou de frayeur ? Et quels rêves passent donc autour de mon chevet pendant la fièvre ? L’Être qu’on aime renferme-t-il un démon qui nous domine et nous torture tout le temps que dure l’amour ?

Quelle fièvre avez-vous fait passer dans la moelle de mes os, esprits de la vengeance céleste ? Quel mal avais-je fait aux anges du ciel pour qu’ils descendissent sur moi et pour qu’ils missent en moi, pour châtiment, un amour de lionne ? Pourquoi mon sang s’est-il changé en feu, et pourquoi ai-je connu, au moment de mourir, des embrassements plus fougueux que ceux des hommes ? Quelle furie t’anime donc contre moi, toi qui me pousses du pied dans le cercueil, tandis que ta bouche s’abreuve de mon corps et de ma chair ? Tu veux donc que je me tue ? Tu dis que tu me le