Page:Sand - Journal intime.pdf/73

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madame sa mère. Il méprise l’ascendant qu’il exerce sur son semblable, parce qu’il s’attribue une puissance d’intelligence et de volonté, qui rend impossible toute indépendance d’esprit et de conscience autour de lui. Il méprise son semblable à proportion de la bonté, du sacrifice, de l’abnégation et de la miséricorde qu’il trouve en lui. Dominer, posséder, absorber, ne sont que les conditions auxquelles il consent à être… à être adoré comme un Dieu, c’est-à-dire trompé, bafoué, adulé…

L’homme se sait nécessaire à la femme.

Il a trop d’imbécile confiance et, soit cupidité, soit galanterie, soit vanité, la plupart des femmes sont trop intéressées dans leur amour pour qu’il ne s’arroge pas un pouvoir despotique sur elles, dans l’amour, comme dans la haine.

La femme n’a qu’un moyen d’alléger son joug et de conserver son tyran, quand son tyran lui est nécessaire : c’est de le flatter bassement. Sa soumission, sa fidélité, son dévouement, ses soins, n’ont aucun prix aux yeux de l’homme ; sans tout cela, selon lui, il ne daignerait pas se charger d’elle. Il faut qu’elle se prosterne et lui dise : « Tu es grand, sublime, incomparable. Tu es plus parfait que Dieu ! Tu face rayonne, ton pied distille l’ambroisie, tu n’as pas un vice et tu as toutes les vertus. Aucun mortel ne peut t’être comparé, je ne dis pas par moi qui suis éblouie de l’éclat de tes regards, mais par ce peuple stupide qui