Page:Sand - Journal intime.pdf/89

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Esclave de tes esclaves ! tu ne peux les quitter ; car si tu retires ta main de fer de dessus leurs têtes, tu es perdu, ils ne sont pas enchaînés par l’affection. Quitte-les, ils te quitteront ; cesse de les faire trembler, ils diront du mal de toi ; cesse de leur être nécessaire, ils te laisseront vieillir seul, mourir seul.

Quel homme avait pourtant mieux compris la puissance de la bonté ! Mais toute puissance enivre l’homme et ne suit s’arrêter nulle part. Il faut qu’il gravisse toujours, espérant toujours trouver une terre promise, qui produise des fleurs et des fruits sans être soignée et cultivée ; et il ne trouve que le désert, terre stérile qui n’a pas besoin de culture, parce que la culture ne la fertiliserait pas. que l’on possède sans rivaux, parce qu’elle ne mérite pas d’être disputée.

Depuis huit jours, j’ai eu plusieurs tentations de suicide, et les devoirs de la famille m’ont paru insupportables. Enfants» enfants, vous êtes des tyrans» vous nous forcez à vivre.

Mais je viens de voir lever la lune. Pourquoi fuis-tu la solitude. Piffoël ? Tu n’as commis aucune faute et tu vois bien qu’un instant de solitude te guérit. Tu vols bien que ton cœur est bon et que ta conscience t’en rend témoignage. Pourquoi tant souffrir ? Parce que ceux qui te font souffrir souffrent plus que toi ! Pauvre docteur, toi seul sais combien tu es bête, et ceux dont tu