Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/22

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dulgente soit-elle, ne peut pardonner. On vivait néanmoins ensemble, du moins le jour. Si George Sand se fût enfuie alors comme elle en avait le droit, qu’eût-on dit à Paris, qu’eût dit la mère de Musset à qui elle avait promis de veiller sur son fils ? La maladie survint. Leur seul tort, si c’en est un, fut de ne pas la prévoir, de ne pas prévoir aussi que la résurrection physique de Musset entraînerait celle de son amour. L’âme du poète, d’ailleurs, éprouvée au creuset de la maladie, allait en ressortir neuve, comme vierge ; et l’exaltation de la reconnaissance le pousserait à ressaisir l’autre âme qu’il avait détournée de lui et dont il s’était échappé dans un jour de folie. Telle fut cette convalescence tragique : lui aux prises avec un amour renaissant, imprévu, elle aux prises avec ses regrets, car il était trop tard, et tous deux étaient en face de l’irréparable.

Laissons maintenant la parole aux textes : — George Sand : « De quel droit m’interroges-tu sur Venise ? Étais-je à toi, à Venise ?… N’est-ce pas du premier jour que date notre rupture ?… La porte de nos chambres fut fermée entre nous, et nous avons essayé là de reprendre notre vie de bons camarades comme