Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/23

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autrefois ici, mais cela n’était plus possible. Tu t’ennuyais, je ne sais ce que tu devenais le soir… Pierre venait me voir et me soignait, tu ne pensais guère à être jaloux, et certes je ne pensais guère à l’aimer. Mais quand je l’aurais aimé dès ce moment-là, quand j’aurais été à lui dès lors, veux-tu me dire quels comptes j’avais à te rendre, à toi[1] ?… »

— De Musset : « Tu ne mens pas, voilà pourquoi je t’aime… Mais, dis-moi, quand tous mes soupçons seraient vrais, en quoi me trompais-tu ? Me disais-tu que tu m’aimais ? N’étais-je pas averti ? Avais-je aucun droit ! Ô mon enfant chérie, lorsque tu m’aimais, m’as-tu jamais trompé ? Quel reproche ai-je eu à te faire pendant sept mois que je t’ai vue, jour par jour ?… Le mensonge, voilà ce que j’abhorre, ce qui me rend le plus défiant des hommes, peut-être le plus malheureux. Mais tu es aussi sincère que tu es noble et orgueilleuse[2]. » Orgueilleuse, elle ne l’était pas en la circonstance, mais seulement fière et digne. Quant à sa sincérité, si souvent attestée par Musset, elle arrache à son amant cette phrase, devant laquelle s’arrête la cita-

  1. Voir plus loin, lettre XII.
  2. Mariéton, p. 64.