Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/25

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vous aviez souffert à cause de cette maladie et à cause de moi sans que ma poitrine se brisât en sanglots. Je vous trompais, et j’étais là entre ces deux hommes, l’un qui me disait : « Reviens à moi, je réparerai mes torts, je t’aimerai, je mourrai sans toit » et l’autre, qui disait tout bas dans mon autre oreille : « Faites attention, vous êtes à moi, il n’y a plus à y revenir. Mentez, Dieu le veut ! Dieu vous absoudra ! » Ah ! pauvre femme, pauvre femme ! C’est alors qu’il fallait mourir[1] !… »

Elle a cependant essayé d’avouer ; mais devant l’effet qu’elle obtenait, elle a dû rengorger son aveu : « Au premier [mot], comme tu m’as traitée ! Tu voulais me souffleter, m’appeler c… devant tout le monde, et tu mourais de colère si je n’avais menti[2]. »

Ainsi, l’un mourait d’amour et de fureur jalouse, l’autre mourait de honte. En même temps, l’amour la ressaisissait à son tour. Voilà désormais, et pour tous les deux, voilà « Vénus attachée à sa proie ». La folie de l’amour les tenaille, et le troisième, l’intrus n’occupera pas une très fière place dans leurs pensées. Comment, au reste, celui-ci en est-il arrivé

  1. Journal, fragment cité par Mariéton, p. 238-239.
  2. Journal (fragment inédit).