Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/24

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tion de M. Mariéton : « Voilà pourquoi je crois en toi, et je te défendrai contre le monde entier, jusqu’à ce que je crève[1]. »

Et pourtant, cette grande sincère, elle a été obligée un instant de feindre, voire de mentir. Mais ici la feinte était imposée par l’état de Musset. Dans ses recrudescences de passion, le convalescent, malgré ce rêve d’amour idéal à trois qu’a si bien retracé Arvède Barine, était saisi tout à coup de transports de jalousie : et ses questions étaient proférées sur un tel ton que certaines réponses le pouvaient tuer. Que ne souffrit-elle pas à soutenir ce rôle ! Les révélations de son Journal intime, écrit à la fin de décembre 1834, le disent assez éloquemment : « Et je n’ai pas pu mourir ! car on ne meurt pas ; on vit, on souffre tout cela, on boit son calice goutte à goutte[2]. » Un peu plus loin : « C’est le retour de votre amour à Venise, qui a fait mon désespoir et mon crime. Pouvais-je parler ? Vous n’auriez plus voulu de mes soins, vous seriez mort de rage en les subissant. Et qu’auriez-vous fait sans moi, pauvre colombe mourante ? Ah ! Dieu ! je n’ai jamais pensé un instant à ce que

  1. Inédit. — Nous imprimons les passages inédits en italiques.
  2. Journal, fragment inédit.