Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/33

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pour souffrir. Cette âme aux abois se montre à nu dans le journal intime auquel Arvède Barine et M. Mariéton ont fait déjà quelques emprunts. Nous en ajoutons ici quelques autres, en réduisant les passages qui feraient longueur.

« Paris, mardi soir, 25 décembre 1834 « 

« Mon désespoir me quittera-t-il ? Hélas ! il augmente tous les jours, comme cette horreur de l’isolement, ces élans de mon cœur pour aller rejoindre ce cœur qui m’était ouvert ! Et si je courais, quand l’amour me prend trop fort ? Si j’allais casser le cordon de sa sonnette jusqu’à ce qu’il m’ouvrît la porte ? Si je m’y couchais en travers, jusqu’à ce qu’il passe ? Si je me jetais, non pas à ses pieds, c’est fou, après tout, car c’est l’implorer, et certes, il fait pour moi ce qu’il peut : il est cruel de l’obséder et de lui demander l’impossible ; mais si je me jetais à son cou, dans ses bras, si je lui disais : Tu m’aimes encore, car tu en souffres, tu en rougis, mais tu me plains trop pour ne pas m’aimer. Tu vois bien que je t’aime, que je ne peux aimer que toi. Embrasse-moi, ne me dis rien, ne discutons pas ; dis-moi quelques douces paroles, caresse-moi,