Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/36

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et se courbant au moindre vent, ce n’est pas deux qu’on tirera des poutres pour bâtir des maisons ! On s’abreuve de leur nectar, on s’entête de leur odeur, on s’endort et on en meurt. »


Vendredi.

… « Il n’y a que Sainte-Beuve qui ne m’ait pas fait de mal et qui ne m’ait pas dit de sottise. Je lui ai demandé ce que c’était que l’amour, et il m’a répondu : « Ce sont les larmes ! Vous pleurez, vous aimez… »


Minuit.

« Je ne peux pas travailler. Ô l’isolement ! l’isolement ! Je ne peux ni écrire, ni prier. Sainte-Beuve dit qu’il faut me distraire. Avec qui ? Qu’est‑ce que me font tous ces gens-là ? Quand ils ont parlé une heure de choses qui me sont à peu près indifférentes, ils s’en vont. Ce ne sont que des figures qui changent de place. Et moi, seule, seule pour toujours. Je veux me tuer[1]. Qui donc a le droit de m’en em-

  1. Cette idée de suicide la hanta en décembre 1834, et après la rupture définitive, en mars-avril 1835. La correspondance en fournit des preuves multiples et d’une singulière précision.