Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/38

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Dieu ! vous savez si quelqu’une d’elles l’aimera jamais comme je l’aime aujourd’hui ? Insensé ! tu me quittes dans le plus beau moment de ma vie, dans le jour le plus vrai, le plus passionné, le plus saignant de mon amour ! N’est-ce rien que d’avoir maté l’orgueil d’une femme et de l’avoir jetée à tes pieds ? N’est-ce rien que de savoir qu’elle en meurt ?… »

Elle continue. Elle parle de belles dames qui se moquent d’elle : « Elles disent que je me déguise en homme pour aller vous trouver la nuit, et que je me traîne à genoux dans votre chambre. Mais, ô mon Dieu, qui donc leur dit tout cela si vite ? Ce n’est pas toi qui me railles devant elles ?… »

Elle parle des lettres de Musset : « Oh ! ces lettres que je n’ai plus, que j’ai tant baisées, tant arrosées de larmes, tant collées sur mon cœur quand l’autre ne me voyait pas ! Oh ! je les aimais tant ! Je ne les ai plus ! »

Un peu plus loin : « Je vois bien que le monde est entre nous… Pauvre Alfred, si personne ne le savait, tu me pardonnerais. Mais il y a M. Tattet, qui dirait d’un air bête : Dieu, quelle faiblesse !… (Ici, ce que chacun dirait si Musset lui pardonnait.) « Ah ! si j’avais été sûre que tu