Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dusses m’aimer réellement quand tu as quitté Venise, que tu dusses souffrir ce que je souffre aujourd’hui, je me serais coupé une main, je te l’aurais présentée en te disant : « Voilà une main menteuse et sale. Jetons-la dans la mer, et que le sang qui en coulera lave l’autre. Prends-la, et mène-moi au bout du monde ». Si tu devais accepter cette main ainsi lavée, je le ferais bien encore. Veux-tu ? »

C’est ainsi que l’amante, maintenant méprisée, s’abreuvait de désespoir, s’accusant, se chargeant à plaisir, comme naguère Musset quand il se déclarait le bourreau de sa maîtresse. Qui décidera si les larmes de l’un furent plus amères que celles de l’autre ? Tous deux ont touché jusqu’à l’extrême limite de la souffrance. Et si, suivant le mot de Sainte-Beuve, pleurer, c’est aimer, on ne peut nier que George Sand ait été la plus douloureuse des amantes. C’en est assez pour corriger encore ici la légende, et sur un point essentiel.

Enfin, il semble bien qu’il ne doive plus rien rester de cette légende si l’on peut faire entrevoir comment tout le bien que retira le