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XXVII
LA FIN D’UNE LÉGENDE

» me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé ; » c’est moi qui ai vécu, et non pas un être » factice, créé par mon orgueil et mon » ennui[1]. » (12 mai 1834.)

Un mois après, la lettre du 15 juin apporte au poète l’exhortation enthousiaste dont il a besoin. Quel noble essor anime ces pages, quelle foi dans l’avenir de Musset, quel encouragement à son génie ! « Tu n’es pas destiné à ramper sur la boue de la réalité. Tu es fait pour créer ta réalité toi-même dans un monde plus élevé, et pour trouver tes joies dans le plus noble exercice des facultés de ton âme. Va, espère, et que ta vie soit un poème aussi beau que ceux qu’a rêvés ton intelligence…


» Vois combien tu te trompais quand tu te croyais usé par les plaisirs… Vois que ton corps s’est renouvelé et que ton âme sort de sa chrysalide. Si, dans son engourdissement, elle a produit de si beaux poèmes, quels sentiments, quelles idées en sortiront, maintenant qu’elle a déployé ses ailes ! Aime et écris,

  1. Cette dernière phrase est, comme M. le vicomte Spoelberch de Lovenjoul l’a fait remarquer le premier, celle que Musset reprit pour la placer dans la bouche de Perdican. (On ne badine pas avec l’amour, parut le i juillet 1834 dans la Revue des Deux-Mondes.)