Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/42

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et que j’ai vu mourant dans mes bras… Ménage cette vie, que je t’ai conservée peut-être… Laisse-moi le croire, laisse-moi être un peu vaine d’avoir consacré quelques fatigues de mon inutile et sotte existence à sauver celle d’un homme comme toi. Songe à ton avenir qui peut écraser tant d’orgueils ridicules, et faire oublier tant de gloires présentes ! Te voir arriver à l’éclat que doit avoir ta destinée, et te voler au monde de temps en temps pour te donner les joies du cœur, c’est ce que j’ambitionne et c’est ce que j’espère. » (29 avril 1834.)

Quinze jours après : « Sois heureux, sois aimé… Mais garde-moi dans un petit coin secret de ton cœur, et descends-y dans les jours de tristesse pour y trouver une consolation ou un encouragement… Aime une femme jeune, belle, et qui n’ait pas encore aimé, pas encore souffert. Ménage-la, et ne la fais pas souffrir…

« Ton cœur, ton bon cœur, ne le tue pas, je t’en prie ; qu’il se mette tout entier ou en partie dans toutes les amours de ta vie, mais qu’il y joue toujours son rôle noble, afin qu’un jour tu puisses regarder en arrière et dire comme moi : « J’ai souffert souvent, je