Page:Sand - Malgretout.djvu/169

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peu. Je sentais toujours sa raillerie planer sur moi comme un esprit de malheur. Je secouai cette petite lâcheté. J’écrivis à Abel que je le dispensais de m’écrire, si ce devait être pour lui un effort et une souffrance, que je me contenterais de trois mots de temps en temps, et que je ne me croirais pas privée pour cela du plaisir de lui donner de mes nouvelles aussi souvent qu’il m’en ferait demander par son ami.

J’aspirais donc à recevoir de longues lettres comme Neuville savait les écrire, détaillées, exactes et raisonnées ; mais ces lettres devinrent rares. Les deux amis se lancèrent dans un voyage terrible. Ils exploitèrent les provinces russes au delà de la mer Caspienne. Abel voulait gagner beaucoup d’argent pour me rendre indépendante de ma famille et pour bâtir son nid ou compléter le mien, ils explorèrent les contrées sauvages où l’or russe abondait, où le talent, la célébrité surtout faisait fureur. De temps en temps, Nouville m’envoyait une courte relation des fatigues et des dangers qu’ils étaient forcés de braver sur des chemins impossibles et sous des climats rigoureux, « Abel, disait-il, était un corps de fer. Il avait l’obstination et la témérité d’une puissance d’organisation exceptionnelle. Pour moi, ajoutait Nouville, je suis soutenu par lui, et mon dévouement à le suivre me fait marcher et surmonter la souffrance comme dans un rêve ; mais, s’il n’était là devant moi, criant