Page:Sand - Malgretout.djvu/168

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Que pensera de moi une femme exquise de distinction, si je lui envoie des fautes d’orthographe ? Non, c’est impossible ! Pour faire passer cela, il faudrait de l’éloquence. Elle seule peut m’en inspirer, j’en aurais, si elle était là… Ah ! l’absence, l’absence ! cela ressemble à la mort !

» Voilà, chère miss Owen, ce qu’il dit et ce qu’il éprouve. Je vous sais trop grande pour lui en vouloir. C’est un artiste, c’est-à-dire une spécialité, et si je n’étais pas un homme de second ordre, je serais probablement aussi empêché que lui.

» Il vous adore, voilà ce qui est certain… »

Abel avait écrit au-dessous de cette ligne : « Oui, je vous adore, je ne sçai que cela. »

Ainsi cet homme d’esprit et de génie était un complet illettré ! J’aurais dû le prévoir, je n’y avais pas songé ; mais mon parti fut pris tout de suite. Il parlait si bien quand il parlait d’amour ! N’eût-il pas parlé du tout, je crois que je l’eusse accepté ainsi. Quelle plus magnifique expression pouvait-on lui demander que celle dont il disposait dans son art ? Et n’eût-il pas été le grand musicien qu’il était, il m’eût peut-être charmée encore par son magnifique regard et son irrésistible sourire. C’était comme deux flambeaux éclairant l’âme la plus sincère et la plus généreuse qui fut jamais.

Pourtant je dois avouer une faiblesse : l’idée qu’Adda découvrirait un jour ce mutisme de la plume et ce langage écrit incorrect m’effraya un