Page:Sand - Malgretout.djvu/38

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prendre un fait qui vous étonne et une des causes de ce fait, la disparition rapide et progressive de ma fortune.

Nos travaux nous conduisirent assez avant dans l’hiver, et nous avions pourtant hâte de nous retrouver auprès de notre chère Adda. Elle avait dû venir voir notre nouveau domaine et y passer quelque temps avec son mari. Un commencement de situation intéressante et la défense des médecins s’opposèrent à notre espérance. Nous la retrouvâmes très-changée et comme affaiblie de corps et de caractère. Ses traits avaient pris une expression résignée que je ne leur connaissais pas, et je ne sais quoi d’angélique qui la rendait plus belle, mais qui m’inquiéta. Était-ce la conséquence de son état ou la trace d’un premier chagrin domestique ? Je n’osai pas l’interroger. Ces investigations dans le domaine conjugal m’ont toujours semblé indélicates et surtout imprudentes. En ouvrant la porte aux expansions et aux plaintes, on l’ouvre à la révolte ou au découragement.

J’observai le mari. Il paraissait aussi épris de sa femme qu’au commencement, et il la comblait de soins et de prévenances ; mais il lui fut impossible de me cacher qu’il avait quelque préoccupation secrète dont elle n’était pas l’objet. Je cherchai à provoquer ses confidences ; il se tint sur la défensive. Peu à peu j’observai que, s’il était charmant de manières avec sa femme et avec nous, il n’en