Page:Sand - Malgretout.djvu/43

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plus ou moins sincères. On ne contredit pas avec énergie un homme dont on veut partager les plaisirs. D’ailleurs, l’amphitryon de cette maison adultère savait retenir ses habitués par une générosité d’apparat et des promesses fondées sur son prétendu crédit auprès des ministres. On doutait un peu de son influence, mais nul ne doutait de sa richesse, et il jouissait du sort qu’il avait toujours rêvé, vivre en grand seigneur et en homme de plaisir.

Soit qu’Adda eût pénétré la vérité et qu’elle voulût nous la cacher, soit qu’elle ne se doutât de rien, elle ne se plaignit de rien. Elle montra au contraire le désir de passer les hivers à Paris avec son mari. Je redoutais l’influence de celui-ci sur elle, et je parvins à la retenir jusqu’en janvier, puis je l’accompagnai avec mon père, et je vins à bout d’empêcher la dilapidation de sa fortune. Au printemps, nous la ramenâmes enceinte pour la seconde fois, et vers l’automne elle mit au monde assez heureusement un petit garçon qui fut nommé Henry ; c’était le nom de mon père.

C’est à cette époque que ma vie de courage et de dévouement fut ébranlée par un sentiment que j’espérais ne pas connaître, car je me trouvais engagée sur une pente qui m’interdisait de songer à moi-même. Mon beau-frère était vite retourné à Paris après la naissance de son fils. Adda, convalescente, ne sortait pas encore du parc de Malgrétout. Mon