Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/237

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rer et à me soumettre, plus je me serais senti enchaîné et dompté, parce que je suis, comme toi, bon et loyal ; mais que j’eusse été malheureux dans la cage ouatée des convenances sociales ! Un artiste comique qui n’est pas fou dans sa vie privée comme sur les planches tourne vite à la mélancolie et au suicide. Enfin, j’ai repoussé la richesse, et plus d’une fois, sous d’autres formes que celle du mariage. Je n’ai jamais voulu de chaînes, tout le monde pense que j’ai eu tort ; mais, moi, je me donne raison, parce que je me sens toujours jeune et vivant. Ne me dis pas ton opinion sur mon compte, c’est inutile, pense à ton cas particulier. Tu es beau et pas comique. La personne à qui tu plais paraît aussi sérieuse qu’on peut l’être en amour ; tu n’es pas encore assez lancé dans la vie de théâtre pour qu’il t’en reste des regrets ineffaçables. Tu es peut-être ambitieux sans le savoir, et capable de jouer ton rôle sur la scène du monde réel. S’il en est ainsi, épouse, mon cher enfant, épouse ! La vie est une pente, les uns ont pour destinée de descendre dans les plaines où poussent l’or et le blé, les autres de monter jusqu’aux rocs stériles où l’on ne récolte que le vent et les nuages. Fais faire à ton