Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/420

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Dans la seconde partie, où Bois-Doré revient à l’humanité par le sentiment paternel, Bocage a laissé à tous ceux qui l’ont vu l’impression d’une apparition sublime, ineffaçable. Son masque blême, ses cheveux blancs rejetés en touffes sur son vaste front transparent, son altitude royale, sa noble sénilité, c’était bien là sa chose et son œuvre. En ne disant rien, en ne faisant rien que se montrer, il souleva des tempêtes d’applaudissements.

Le reste du rôle fut l’apogée de son talent dramatique. Quel justicier ! quel punisseur auguste ! Tout ce que la vieillesse a de prestigieux et de sacré dans une grande âme fut dans son geste, dans sa parole et dans ces yeux limpides, admirables, où rayonnaient l’indignation contre le meurtrier et la tendresse pour l’enfant.

Lafont n’a pas fait oublier Bocage, et c’est tant mieux ; car Lafont est un autre type admirable qui s’altérerait en copiant. Puisque l’occasion m’y entraîne, je veux dire qu’il sert la pièce autrement. Il la rend plus douce et plus consolante. On sent que ce beau vieillard solide vivra pour bénir les enfants de Mario. Il a le bras ferme pour punir le traître. Ce n’est pas le duel convulsif et désespéré qui provoque l’effroi, c’est la majesté vaillante d’un paladin qui vivra cent ans, redoutable.

Lafont joue dans sa nature et il fait bien. Il ne tromperait personne en courbant sa taille imposante et en faisant trembler sa main vigoureuse. Il a toute la tendresse de la situation, et il joue merveilleusement la scène où il croit reconnaître Mario ; mieux encore celle où il est certain de l’avoir reconnu.

Me voilà entraîné à parler des autres artistes, je serais trop injuste si je ne le faisais pas.