Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/421

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Mario, tel que l’a compris et tracé Paul Meurice, est double aussi. Il n’était pas facile de se passer ici des développements que le conteur peut donner à un personnage qu’il prend au berceau et conduit jusqu’au mariage. Il fallait résumer en quelques heures le passé et l’avenir de l’enfant sans le vieillir d’un jour.

L’auteur de la pièce s’en est tiré avec une habileté simple si l’on peut ainsi parler. Il en a fait un enfant caressant et tendre, innocent surtout. Mario sert de messager d’amour, d’un amour aussi pur d’ailleurs que lui-même, sans savoir, sans comprendre, comme une bible où l’on cacherait un billet doux.

L’enfant ne demanderait pas mieux que d’être gai, joueur et moqueur. Il voudrait être de son âge, et par moment il en est comme malgré lui ; mais il a une lourde tâche, un devoir terrible à remplir : il faut qu’il trouve, il faut qu’il punisse l’assassin de son père. Mademoiselle Jane Essler rend ces deux aspects avec une puissance et un charme extraordinaires.

Quand Mario raille doucement Jovelin, ou contrefait Clindor, ou dit la bonne aventure au marquis, Jane Essler a la grâce naïve et mutine dans sa plus sincère fraîcheur. Mais, quand le débile vengeur devine le meurtrier, quand il le suit, le guette et le dépiste, quand il lit son crime dans les cartes, comme un jeune servant inspiré du temple Delphique, quand surtout témoin du premier duel où son père a succombé, il devient le témoin redoutable du second qui le venge. — sa figure énergique et charmante, son accent nerveux, son geste ardent et jeune, font penser à ce que pouvait être Hamlet enfant.

Quant à Berton, notre ami Louis Ulbach, dont l’article m’arrive en ce moment, l’a apprécié d’une ma-