Page:Sand - Theatre complet 2.djvu/261

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Elle revient avec nous. Prends ton mantelet, Flora, et allons nous-en bien vite.

NINA, voyant Flora prendre un mantelet élégant.

Pas celui-là. Il n’est pas à toi.

FLORA, jetant le mantelet avec répugnance, mais se défendant.

Si fait. Je l’ai acheté en voyage.

NINA, baissant la voix.

Avec quoi ? Tu avais oublié ta bourse.

CAMILLE.

Il n’est pas joli, j’aimais mieux le tien. (Elle lui met le mantelet qu’à la première scène Flora a laissé sur une chaise et l’embrasse.) Allons, sois gaie, sois aimable ! tu n’auras plus de chagrins avec nous, n’est-ce pas ? tu seras heureuse ?

FLORA, s’arrangeant pour partir.

Peut-on l’être quand on se sent haïe ?

NINA.

Eh bien, qui donc te hait, chez nous ?

FLORA, montrant le maestro.

Lui !

LE MAESTRO.

Moi ? est-ce que vous pensez ce que vous dites là. Flora ?

FLORA.

Vous ne dites pourtant pas le contraire ?

LE MAESTRO, lui prenant le bras.

Écoute, enfant, injuste cœur ! crois-tu donc que, si j’avais sur toi le droit qu’un père a sur sa fille, je ne t’étranglerais pas de mes propres mains, dans ce moment-ci ? ne vois-tu pas que, pour laisser tes sœurs reprendre avec elles une fille perdue, il faut que je sois stupide et débonnaire à l’excès ? Tu m’as souvent reproché ma partialité pour Camille ; c’est possible… une sympathie particulière, une préférence d’artiste… que sais-je ! eh bien, vois-tu, c’est à cause de cela que je te ménage, afin qu’on ne dise pas que je te sacrifie ; autre ment, je te renverrais sur l’heure avec tes pareilles, et je ne te retiendrais pas sur le penchant du vice.