Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/135

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GÉRARD.

Vous êtes établi dans le pays ?

FLAMINIO.

Non, j’y fais la contrebande par occasion. L’occasion, monsieur, c’est la vie !

GÉRARD.

Voilà un aphorisme… Il est très-bon, votre cigare ! (S’asseyant et le regardant.) Ah çà ! VOUS êtes un drôle de corps, vous, et je me trompais ! Vous n’avez pas une mauvaise figure.

FLAMINIO, railleur.

Belle tête, monsieur ! heureuse physionomie ! type italien s’il en fut ! prestance avantageuse… et pétri de grâces ! Regardez-moi bien. Il écarte ses cheveux et se campe.

GÉRARD, fumant.

C’est, ma foi, vrai ! Vous devriez vous faire modèle.

FLAMINIO.

Je l’ai été, j’ai commencé par là mon éducation. Un sot métier, et fatigant ! mais il m’a procuré la seule instruction qui fût à la portée de mes moyens : celle qu’on acquiert (et très-vite) dans la fréquentation et la causerie des artistes.

GÉRARD.

Ah ! oui-da ! Au fait, vous aviez peut-être tout ce qu’il fallait pour être artiste vous-même ?

FLAMINIO, gaiement.

Je le suis, monsieur ; je chante, j’ai une voix magnifique. Je ne suis pas musicien précisément, mais je joue de tous les instruments, depuis l’orgue d’église jusqu’au triangle. Je suis né sculpteur et je dessine… mieux que vous, sans vous offenser. J’improvise en vers dans plusieurs langues. Je suis bon comédien dans tous les emplois. Je suis adroit de mes mains, j’ai une superbe écriture, je sais un peu de mécanique, un peu de latin et le français comme vous voyez. Je ne monte pas mal les bijoux ; je suis savant en céramique et en numismatique. Je danse la tarentelle, je tire les cartes, je magnétise. Attendez ! j’oublie quelque chose. Je suis bon nageur,