Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/136

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bon rameur, homme de belles manières, hardi conteur, orateur entraînant !… enfin j’imite dans la perfection le cri des divers animaux.

GÉRARD, riant.

Que de talents !

FLAMINIO, toujours gai.

Oh ! carissimo ! je puis dire, sans me flatter, que, si je ne suis pas le favori de la fortune, je suis, au moins, celui de la nature.

GÉRARD.

C’est possible, mon cher ; mais elle ne vous a pas gâté sous le rapport de la modestie.

FLAMINIO.

Si fait, mon bon ami ! C’est précisément la modestie qui m’a empêché de parvenir.

GÉRARD.

Ne serait-ce pas plutôt la paresse, mon bon ami ?

FLAMINIO.

Eh bien, donc ! la paresse et la modestie, ça se tient ! L’une est la cause, l’autre est l’effet.

GÉRARD.

Je ne sais pas si ce que vous dites là est profond, mais c’est ingénieux, (Il se lève.) Savez-vous que vous m’intéressez beaucoup ? Si vous n’avez pas les vices qu’engendrent l’inconstance et l’incurie de la misère…

FLAMINIO.

Oh ! la misère, monsieur, c’est bien relatif ! Quant aux vices, non ! ça rend bête, et, tel que me voilà, je tiens à la divinité de mon essence. Je l’ai vu de près, le mal, dans ma vie errante ! Je ne me donne point à vous pour un sage : diable, non ! Le moyen de l’être avec ce physique ! mais les instincts de perversité ne sont pas en moi, et tout excès me répugne.

GÉRARD.

Votre histoire doit être curieuse ?

FLAMINIO.

Je vous la raconterais bien si je m’en souvenais ; mais c’est