Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

GÉRARD, à Flaminio.

Que répondez-vous ?

FLAMINIO, absorbé.

Rien. J’écoute !

GÉRARD.

Alors, je répondrai, moi. Le duc a raison de dire que le monde appartient à ceux qui s’en emparent, et qu’il subit le prestige du succès. On aime les gens heureux, oui, certes ; mais c’est à la condition qu’ils soient actifs, ambitieux, habiles ! Pourquoi ? Parce que ceux-là répondent à tous les instincts d’une société avide d’entreprendre des choses difficiles et neuves. Ils ne vont pas seuls ; tout s’agite et monte avec eux. On les trouve logiques ; ils le sont. Mais celui que l’amour sollicite à l’inaction et condamne à un doux néant… le sacrifice est beau, sans doute, mais le monde n’y comprend rien. Il veut que les passions éclatantes soient justifiées par l’emploi de facultés éclatantes ; et il raille cruellement, chez une femme, les affections dont le but lui semble trop facile à deviner. Alors, plus il a été forcé de la respecter, cette femme, jusque-là timide et voilée, plus il se divertit de ce qu’il appelle une faiblesse ; et cette faiblesse-là, le mariage ne la légitime pas, il la divulgue.

LE DUC, à Flaminio.

Et tu dis ?

FLAMINIO, rêveur.

Rien. J’écoute !

LE DUC, se levant et passant à droite.

Moi, je dis que, tu serais bien niais d’avoir de pareils scrupules à l’égard de celle qui te coûte si cher !

FLAMINIO.

Non, je la bénis ! elle me force, elle m’habitue à travailler ! (Remuant des livres.) Tenez, je lis, je m’instruis, je veux devenir un esprit sérieux… Ce n’est pas si difficile que je croyais !

LE DUC.

Oui ; quelque chose de beau ! de la science, des joujoux et des cruches ! Tu iras loin avec ça !