Page:Sand - Valvèdre.djvu/178

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fille ne fit aucune difficulté de montrer ses cheveux gris ébouriffés par ces petites mains folles. À ce moment, je vis sur cette figure rigide une maternité si vraie et une bonhomie si touchante, que je lui pardonnai l’humeur qu’elle m’avait causée.

Le dîner rassembla tout le monde, excepté M. de Valvèdre, qui ne vint que dans la soirée. J’eus donc deux ou trois heures de répit, et je pus me remettre au diapason convenable. Il régnait dans cette maison une aménité charmante, et je trouvai qu’Alida avait tort quand elle se disait condamnée à vivre avec des oracles. Si l’on sentait, dans chacune des personnes qui se trouvaient là, un fonds de valeur réelle et ce je ne sais quoi de mûr ou de calme qui trahit l’étude ou le respect de l’étude, on sentait aussi en elles, avec les qualités essentielles de la vie pratique, tout le charme de la vie heureuse et digne. Sous certains rapports, il me semblait être chez moi parmi les miens ; mais l’intérieur génevois était plus enjoué et comme réchauffé par le rayon de jeunesse et de beauté qui brillait dans les yeux d’Adélaïde et de Rosa. Leur mère était comme ravie dans une béatitude religieuse en regardant Paule et en pensant au bonheur d’Henri. Paule était paisible comme l’innocence, confiante comme la droiture : elle avait peu d’expansions vives ; mais, dans chaque mot, dans chaque regard à son fiancé, à ses parents et à ses sœurs, il y avait comme un intarissable foyer de dévouement et d’admiration.

Les trois jeunes filles avaient été liées dès l’enfance,